
CASCADE
DEs EMOTIONS
« Devant la cascade des émotions, je peux percevoir mes sensations dans le miroir du mur d’eau limpide. Je peux les reconnaître, les nommer, les accepter, baigné de l’énergie bienfaisante du lieu. »
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JE SAIS GERER MES EMOTIONS
Le mot « émotion » vient du latin « movere » qui signifie mouvement. L’émotion nous donne cette impulsion qui nous installe pleinement dans notre vivance. Elle se situe au niveau du corps. Sa fonction est de produire une réaction spécifique à une situation précise, de satisfaire un besoin essentiel.
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Elle se manifeste en trois temps : charge, tension (corps entièrement mobilisé) et décharge (corps se libère de cette énergie et retrouve son équilibre initial). Elle produit un ressenti à l’intérieur qui doit être identifié, accepté puis porté vers l’extérieur sous peine de s’inscrire dans le corps.
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Ce blocage d’émotions et de pensées peut survenir dès la naissance, voire dans le ventre de la mère. C’est un mode de protection inconscient face à un traumatisme vécu issu de la mémoire musculaire et posturale des blocages affectifs. Wilhem Reich, psychiatre et psychanalyste autrichien, décrit ce phénomène sous la forme de sept anneaux présents dans les différentes couches du corps qu’il nomme « cuirasse ». Ces sept cercles de tension sont, de haut en bas : oculaire, oral, cervical, thoracique, diaphragmatique, abdominal et pelvien. Cette cuirasse caractérielle faite de raideurs musculaires et de rigidités comportementales atteste de mon histoire et fonde la « lecture » de mon corps. Portée sur du long terme, elle me rigidifie physiquement et psychiquement. Si me protéger de manière occasionnelle est profitable, me maintenir en état d’alerte permanent s’avère destructeur.
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L’accumulation des peurs, des doutes et des angoisses empêche la vie de circuler librement en moi et me mène au mal-être, à la maladie. Pour m’éviter la souffrance, mon ego panse ces blessures souvent issues de l’enfance et des codes familiaux. Il me fait adopter inconsciemment des comportements et des attitudes de compensation. Une émotion répertoriée comme « mauvaise » est dissimulée, évitée, voire effacée. Elle peut même être remplacée par une émotion de « substitution ». Par exemple si mes parents me reprenaient quand j’exprimais de la tristesse par des larmes en me disant qu’il fallait me montrer fort, que seuls les faibles pleuraient, reproduisant eux-mêmes inconsciemment leur propre schéma d’éducation. Par crainte de les décevoir, de leur déplaire, je peux m’interdire de pleurer pour exprimer ma tristesse, la refouler et la substituer par le fait de me montrer fort. Je ferme ainsi la porte de sortie de mon émotion première. Mais ce contrôle montre ses limites : cet état de survie ne fait qu’installer durablement ce souvenir refoulé comme un corps étranger qui me fragilise dans mon inconscient.
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C’est Sigmund Freud qui découvre au début du dix-neuvième siècle ce fameux « inconscient ». Selon lui, il est l’essence même du psychisme, le centre de la grande majorité des phénomènes mentaux, le conscient n’étant que la partie visible de l’iceberg. Freud affirme que l’être humain n’est pas entièrement maître de ses actes et de ses émotions. Il identifie plusieurs « maîtres » qui se partagent le contrôle d’un individu, en lui délivrant des directives contradictoires :
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. Le « ça », réservoir primaire de l’énergie mentale dont le siège se trouve dans mon cerveau reptilien. C’est la part instinctive qui veut que j’obéisse à mes pulsions et impulsions, que je satisfasse mes besoins physiques et psychiques irrépressibles. Il touche à l’instinct de survie, de reproduction, de domination, de destruction. Le « ça », dans l’interprétation des rêves notamment, ne connaît aucune règle, ni de temps ni d’espace, ni d’interdit. Il est seulement dirigé par sa libido, cette énergie psychique souvent liée à la sexualité ou à l’agressivité, dans le but final d’atteindre la satisfaction, le plaisir immédiat.
. Le « surmoi », en partie conscient et inconscient. C’est la part sociale qui veut que j’accomplisse des choses convenables conformes aux valeurs morales que l’on m’a enseignées. Il se forme pendant l’enfance et l’adolescence. A l’âge adulte, il est mon « gendarme intérieur ». Il est en lutte permanente avec mon « ça ». Il peut refouler mes pulsions et instincts en me jugeant, me culpabilisant ou à l’inverse me valoriser lorsque je respecte les règles, la loi.
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. Le « moi », le centre de ma conscience, à la fois conscient et inconscient. C’est le médiateur qui essaie de s’adapter au réel, de faire la part des choses entre les desseins du ça, du surmoi et du monde extérieur tout en affirmant sa volonté.
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C’est selon Freud cette « pauvre créature devant servir trois maîtres » qui fonde ma personnalité et mon ego. Elle construit le « je » que je crois être, en établissant des mécanismes de défense qui me permettent de subsister dans mon milieu, face aux autres. Elle est le fruit de la conscience limitée, imparfaite et subjective que j’ai de moi-même. Elle rejette tout ce qui n’est pas elle, se perçoit comme seule et supérieure aux autres, détentrice de la vérité. Essentielle à ma survie « d’animal social », elle est ce que je crois savoir de moi. Elle diverge donc fortement de mon être véritable, le « soi », ce que je suis vraiment.
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Pour faire simple, le « ça » c’est : je veux, le « surmoi » c’est : je ne dois pas, le « moi » c’est : j’essaie de trouver un compromis acceptable.
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La connaissance du « moi », sa compréhension, m’aide à me placer à l’écoute de moi-même, à me questionner sur qui est aux commandes. Cette introspection m’amène à prendre conscience de la partie immergée de l’iceberg psychique. Il s’agit, dans la mesure du possible, de plonger dans mon inconscient pour approcher les mécanismes cachés qui sont à l’origine de mes pensées subies, de la formation de ces messages qui font mes émotions.
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Car, pour Freud, rien n’est le fruit du hasard : mes pensées, mes actes manqués, mes lapsus, mes rêves et mes agissements sont toujours les résultantes d’un conflit intérieur aux origines multiples : mon éducation, ma culture, mon vécu, mes expériences, mes prédispositions physiques, mentales, mes relations, le milieu dans lequel j’évolue…
Tout l’enjeu est donc de prendre conscience de ce qui bloque en moi, de me servir de l’image que me renvoie le miroir de mes douleurs physiques, mentales, spirituelles ou affectives.
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Il est certes impossible de connaître parfaitement mon inconscient, et chimérique de vouloir maîtriser mon mental. Mais comprendre le fonctionnement global de mon psychisme permet déjà de ne pas me laisser dominer ou duper par lui. J’essaie de parvenir à l’essence même de mon être, en quête de mon « soi ». Carl Gustav Jung appelle ce cheminement le « processus d’individuation », la voie qu’un individu emprunte pour devenir conscient de la totalité de ce qu’il est.
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Je libère mon « soi » des fausses enveloppes de mon masque social, appelé par Jung « la persona », du nom du masque revêtu par le comédien qui l’identifiait au rôle qu’il jouait. Je reviens habiter mon corps, attentif à ma respiration, mes mouvements, mes ressentis émotionnels et physiologiques dans un esprit d’accueil et d’écoute.
Je commence alors à me libérer des peurs qui me dirigent. Je peux tendre vers la paix intérieure et aspirer à atteindre mes choix de vie professionnelle et relationnelle : une quête d’absolu et d’essentiel qui fait que vivre n’est plus seulement exister.
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Pour parvenir le plus sereinement possible à cet objectif, je me traite avec auto-compassion, comme préconisé par la psychologue américaine Kristin Neff :
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- Je privilégie la gentillesse à la dureté ou à la culpabilité dans les moments difficiles, je suis bienveillant envers moi-même,
- Je suis présent et conscient de mes peines, de mes émotions, sans chercher à lutter contre elles, à les nier ou les amplifier,
- Je sens que je ne suis pas seul dans la souffrance, que j’appartiens à un environnement dans lequel je m’inscris, que je ne suis pas isolé.
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Il s’agit juste de m’accorder une attention particulière, d’avoir le sentiment de ma propre valeur. Cette douceur, ce respect de ma personne induit un narcissisme positif, créatif qui facilite la résilience et m’invite à veiller précautionneusement à mon autoconservation. Idéalement, l’unique façon d’être bien avec moi-même serait de ne plus ressentir d’émotions négatives. L’auto-compassion instaure une cohabitation entre la prise en compte de mon intégrité mentale et physique et le vécu inévitable des ressentis de ces émotions négatives.
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Je prends connaissance de mes émotions pour mieux les accueillir. On dénombre six émotions de base, universelles :
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. La joie, source de motivation et de vie qui m’invite à l’harmonie, au partage avec les autres.
. La colère, émotion la plus réprimée, la plus pernicieuse : arriver à ne pas la contenir sans qu’elle soit néfaste n’est pas chose facile. C’est une réplique salutaire face à la frustration, à l’injustice, aux difficultés de la vie. Elle permet de m’affirmer, de m’opposer positivement en cas de conflit, de défendre une position, de me faire respecter. Elle prend une forme négative si elle évolue en violence ou si elle devient automatiquement la seule réaction à un évènement conflictuel.
. La peur signale un danger qui nécessite une protection ou un nouveau mode d’adaptation. Elle met en place une stratégie pour fuir ou attaquer pour survivre en cas d’urgence. Si elle peut me sauver la vie quand elle me pousse raisonnablement à me protéger, elle s’avère bloquante en excès.
. La tristesse, réaction adéquate de repli sur moi quand je dois tourner une page, combler un manque, faire un deuil. Elle risque de me figer dans la réprobation ou le déni, de me plonger dans la spirale négative de la dépression.
. La surprise permet d’appréhender les changements imprévus, l’inconnu.
. Le dégoût, mouvement de rejet qui me protège de l’intoxication au niveau alimentaire et relationnel en me tenant à distance d’une substance ou d’une personne nuisible.
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A ces émotions de base, Daniel Goleman, auteur de « l’intelligence émotionnelle » ajoute l’amour et la honte, les deux émotions mixtes les plus couramment mentionnées. Une émotion mixte est une association d’émotions comme par exemple : peur + tristesse = souci, peur + colère envers l’autre = haine. L’imaginaire joue un grand rôle dans le déclenchement de ces émotions.
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L’amour est une expérience émotive complexe qui comprend plusieurs émotions dont la joie, la tendresse, le désir, la colère… C’est une réaction affective spontanée envers une personne, un endroit, une idée, un objet qui me procure une satisfaction.
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La honte est toujours ressentie en présence des autres, de leur jugement, induisant de la culpabilité. Elle me sert à identifier les choses non assumées et mon propre jugement par rapport à ces choses. Elle est aussi le baromètre de l’importance des individus face auxquels je subis cette honte.
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Mes émotions sont des phénomènes brefs, pulsionnels, en relation permanente avec mes sentiments, qui les décrivent et les verbalisent de manière plus durable. C’est le passage au niveau de la pensée. Si je l’identifie correctement, il me permet d’apporter la juste réponse (ex : tristesse= besoin de réconfort, joie=besoin de partage, colère=besoin de changement, peur=besoin de protection).
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Une émotion, qu’elle soit agréable ou désagréable est une information qui m’aide à m’adapter pour satisfaire un besoin :
• besoin de sécurité,
• besoin affectif ou social,
• besoin d’autonomie,
• besoin de stimulation,
• besoin d’estime et de reconnaissance,
• besoin de sens, de cohérence.
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L’émotion survient toujours à bon escient, elle a un sens. Elle est le messager de ma mémoire qui la reproduit à chaque évènement similaire. Je ne cherche pas à l’étouffer ou à la nier, car elle ressurgira tôt ou tard. Je commence par l’identifier, la nommer clairement. Je reconnais qu’elle fait partie de mon histoire.
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J’intègre le fait que ma vie passe par des hauts, mais aussi des bas. Il est normal que je sois parfois confronté à des émotions désagréables, à des ressentis négatifs. Cela ne fait pas de moi une personne faible ou négative, cela fait seulement de moi un être humain. Je libère ainsi la pression dans mon univers émotionnel et me permet de faire appel à l’énergie nécessaire pour gérer une situation.
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Cette prise de recul remet mes émotions à leur juste place. Je ne me laisse pas guider uniquement par elles au risque qu’elles me conduisent là où je ne veux pas aller. Pour éviter l’excès de colère, le geste que je peux regretter plus tard, je porte une attention particulière à l’expression de mon corps, de mon intelligence et de ma volonté.
Le réflexe à adopter :
Face à une situation, je pense à utiliser ces trois dimensions. Je suis attentif aux signaux émis par mon corps qui réagit à la base de toute émotion : rythme cardiaque et respiration qui s’accélèrent, gorge nouée, poings serrés… Je fais ensuite appel à mon intelligence. Je m’accorde un bref temps de réflexion en me demandant : « Qu’est-ce qui est bon pour moi ici et maintenant ? La réponse à cette question me permet de m’appuyer sur une intuition solide. Je peux alors laisser ma volonté agir pour poser un acte réfléchi, adapté, qui me corresponde pleinement.
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L’émotion m’aide aussi à communiquer avec mon entourage. Lorsque j’identifie un état émotionnel chez quelqu’un, je comprends mieux ses attentes et peux adapter ma communication pour un échange constructif de qualité.
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J’apprends à vivre avec les émotions. Je ne peux pas composer sans elles. Je les invite dans mon parcours de vie. Je les laisse m’accompagner dans mes projets, mes actes, mes relations avec les autres et mon environnement.
Exercice : MON ETAT RESSOURCE
Je choisis un état positif que je veux pouvoir ressentir quand j’en ai envie, à chaque fois que j’en éprouve la nécessité : calme, bien-être, sérénité… Je me replonge dans le passé et je me rappelle un moment où j’ai perçu cet état de manière très forte en faisant appel à mes cinq sens. Les yeux fermés, je laisse venir l’image de ce moment sur mon écran mental, j’en observe les couleurs, les formes, les gens présents, les sons, les odeurs. Je récolte le maximum de détails. Je revis cet instant le plus précisément possible, en me focalisant sur les sensations de bien-être, de calme, de sérénité qu’il génère en moi. Puis je choisis un geste que j’associe à ces sensations : deux doigts qui se touchent, le poing serré, la main sur la cuisse, ou tout autre geste qui me convient. Je m’entraîne à le faire plusieurs fois pour que mon subconscient enregistre l’association entre ce geste et le ressenti positif. Il me faut faire preuve de persévérance car mon cerveau a besoin d’au moins vingt-et-uns jours pour reconnaître cette habitude comme un automatisme, un réflexe conditionné : dès que je fais mon geste, les sensations positives surgissent, un peu comme la lumière s’allume quand j’appuie sur un interrupteur. Je peux alors revivre à la demande ces sensations agréables, apaisantes, et me libère instantanément d’une contrariété, d’une émotion désagréable.